mercredi 11 juillet 2012

L'art public en banlieue

Une sobre réflexion signée Sébastien Roy ©



La question de l’art public en banlieue m’interpelle. Quelle place lui donne-t-on? L’art public est-il assez présent dans nos villes? Quel apport cette forme d’art donne-t-elle aux citoyens et quelle est son influence sur l’image d’une ville?

Loin de vouloir faire du journalisme, l’idée d’écrire une réflexion sur le sujet de l’art public m’est venue en lisant les procès-verbaux de la ville de Vaudreuil-Dorion. Le lien ci-dessous fait foi de la volonté (obligation) de la ville à ce sujet (voir articles 11-11-1071 et 1072).


Et je me suis demandé principalement si les artistes désignés pour développer une œuvre publique commandée par une municipalité ou un organisme privé ont une liberté de création assez grande (d’où l’image de l’en-tête). Est-ce que l’art public que s’offrent les citoyens est assez représentatif et pertinent pour eux et valorisant pour l’artiste lui-même? L’art public est-il tenu trop fort en laisse?



L’œuvre ci-haut serait, selon le procès-verbal, la création de l’artiste Michel Goulet créée au montant de 69000$. L’analyse de l’investissement ne fait pas partie de mes préoccupations. Toutefois, je constate que cette œuvre publique ne comporte aucune notice ou description, aucun titre et mentions de l’auteur, ni près de l’installation, ni sur un site web. Or, comment pleinement estimer la valeur artistique et le message (s’il y en a un) ainsi que le concept? Normalement, il est intéressant de comprendre la démarche derrière une œuvre publique pour profiter de son apport. Toutefois, cette dernière semble surtout remplir certains critères compensatoires architecturaux vu la grande sobriété de l’aréna qui l’accueille. À tout le moins, elle permet au public une forme de réflexion sur sa signification. Tout n’est pas perdu.

Art véritable ou art influencé?

Il serait en effet utopique de croire que la création d’une œuvre publique soit exempte de l’influence externe. On parle tout de même d’une commande. Ce genre d’œuvre d’art financé par le public n’est pas libre de toutes contraintes. Des contraintes d’espace, d’argent et de matériaux doivent être considérées, tout en préservant l’effet escompté. Par définition, l'art public doit être visible par le plus grand nombre. Mais il doit surtout créer une surprise chez le citoyen et provoquer un sentiment de contraste ou de complétion avec l’architecture du bâtiment ou du lieu qui accueille l'objet.

Mais, est-ce que l’influence « artistique » de la ville ou de la firme de surveillance des travaux sur l’œuvre à développer diminue sa valeur réelle comme art? C’est possible. Mais pour y répondre, il faut minimalement accompagner l’installation d’une description de l’objet et évoquer la démarche artistique derrière l’œuvre. Et comme citoyen, je veux pleinement profiter de l’œuvre. Pour le moment, cet aspect explicatif est manquant pour les deux seules installation artistique permanente dans ma cité. Au final, pourrions-nous considérer que c’est l’aréna (ou le bâtiment) qui sert de support à l’œuvre, ou bien si l’œuvre ajoute quelque chose à l’aréna et à l’image de la ville? Probablement un peu des deux.

L’art public et le message véhiculé


L’autre « monument urbain » d’ampleur est situé dans un beau parc de la ville. Dans le cas suivant, on poursuit clairement un autre objectif. En premier lieu, on vient un peu déséquilibrer l’observateur avec une œuvre gigantesque postée dans un environnement normalement serein… tout en tentant de créer un sentiment d’appartenance quelconque avec le message. Notez les 3 petits cubes en bas à droite : Leur présence propose probablement au citoyen de compléter lui-même la réflexion sur ce qu’il est et sur sa propre place dans cette ville (de plus, les enfants s’amusent beaucoup avec les cubes…). On se rapproche donc lentement d’une œuvre plus interactive. Et un document de la ville sur son site web viens donner un éclairage très intéressant sur le concept. http://www.ville.vaudreuil-dorion.qc.ca/documents/pdf/services/Arts%20et%20culture/DescriptionConceptJesuis.pdf


Mis à part les œuvres patrimoniales dont la mise en valeur était prioritaire dans la précédente décennie, retrouve-t-on la même présence d’œuvres modernes dans les autres villes du même type que Vaudreuil-Dorion, ou bien sommes-nous des précurseurs dans la couronne de Montréal? Or, la ville a récemment enregistré une commande pour deux sculptures pour le nouveau (et énorme) centre multisport. Ce projet revient à madame Rose-Marie E-Goulet pour 136000 dollars; celle-là même qui a concocté quelques œuvres pour des parcs de Montréal.

Devrions-nous en rester là? Pourquoi ne pas étendre l’obligation de l’implantation d’œuvres publiques au domaine privé et industriel? N’y a-t-il pas plus monotone qu’un parc industriel? Le mécénat aurait-il aussi perdu toute noblesse à la chambre de commerce? Il y a pourtant de l’espoir en institution privée. En effet, un rare, mais bel exemple se trouve actuellement à Rigaud : le collège Bourget inaugurait récemment une œuvre d’art avec tout le décorum nécessaire. http://www.journalpremiereedition.com/Culture/2012-06-29/article-3020341/Inauguration-d%26rsquoune-%26oeliguvre-d%26rsquoart/1.

« Mais qu’est-ce que ça m’apporte? »

On peut entendre parfois ce genre de commentaire, qui est au fond légitime pour tous payeurs de taxes. Au-delà de la valeur artistique de l’œuvre « sans nom » de l’aréna ou du monument « Je Suis » du parc Valois, il y a l’apport pour la population. Est-elle seulement consciente de cet apport? Le problème avec l’œuvre de l’aréna est le manque d’interactivité avec les usagers. Non pas dans le sens technologique du terme (comme pour un téléphone intelligent), mais au sens « appropriation » et « échange » avec celui qui la côtoie. Que ce soit au niveau intellectuel ou même physique, une œuvre publique ne devrait pas seulement servir à embellir un endroit austère. Pour qu’une œuvre soit pleinement publique, il faut que le citoyen y trouve son compte et puisse s’approprier l’œuvre. Les bancs publics dans l’ombre de l’installation permettent de s’arrêter un moment pour observer, mais dans ce cas-ci, j’ai bien peur que ces bancs ne soient que peu utilisés. Il est utile de savoir que l’œuvre est tout de même en plein cœur d’un stationnement… En contrepartie, je pense que la grande structure « Je suis » mentionnée plus haut remplit bien un rôle d’échange avec le citoyen, ayant même déjà servi pour une manifestation. On a utilisé l’œuvre à des fins de de communication! http://www.journalletoile.com/Actualites/Municipalites/2012-06-05/article-2996657/Je-suis%26hellip-congedie!/1.

Il n’est probablement pas facile de mettre en application la loi du 1% sur les œuvres d’art en milieu publique, tout en donnant un aspect plus léger à des architectures souvent « rigides ». Cette dimension est importante à cause de l’effet qu’une œuvre crée chez l’usager du lieu qu’il fréquente (i.e. admiration, questionnement, dégoût, prise de position, réflexion).

Or, malgré l’amas de couleur et de métal que représente l’installation de l’aréna, sa mise en valeur par la ville de Vaudreuil-Dorion laisse perplexe. Cette œuvre deviendra-t-elle invisible après quelque temps? On peut imaginer qu’elle comblera les besoins en photomarketing pour les divers organismes empruntant les locaux de l’aréna, mais est-ce que le simple citoyen pourra en profiter pour augmenter sa pensée critique, sa perception de l’image de sa ville et l’identification à son milieu avec cette œuvre? Jusqu’à maintenant, il n’est pas évident que la ville ait considéré une forme de continuité conceptuelle, un thème pour ses œuvres publiques. Attendons la divulgation des sculptures de madame E-Goulet pour confirmer cet aspect.

Et de votre côté?

Sans la loi du 1%, je doute que nous ayons le plaisir de profiter de cette forme d’art accessible pour tous, peu importe sa signification artistique ou sa pertinence. Et de votre côté? En avez-vous des œuvres publiques (ou même urbaines) dans votre banlieue ou dans votre quartier? Qu’est-ce que cela vous apporte? Partagez-moi vos photos et commentaires. Je tâcherai de monter un album sur Facebook pour les partager.

En complément, voyez la politique gouvernementale sur l’art public : http://www.mcccf.gouv.qc.ca/index.php?id=59


Et une analyse de 2008 de L’UdM à ce sujet : http://www.artpourtous.umontreal.ca/decouvrir/politique.html


2 commentaires:

Sir Seb a dit...

On vient de me diriger (via twitter @martinp_urb) vers l'article suivant qui poses de bonnes questions: http://blogues.lapresse.ca/edito/2012/07/11/art-urbain-ceci-nest-pas-du-vandalisme/

Sir Seb a dit...

On m'indique à l'instant sur Twitter (via @ysoboy) que l'art urbain fait référence à des manifestations artistiques illégales. Mon billet fait plutôt référence à l'art public. Mais les discussion sur les deux formes sont les bienvenues.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Art_urbain

http://fr.wikipedia.org/wiki/Art_public