vendredi 4 juillet 2008

Les doigts perdus (dans la nostalgie)

Hummmm! Les filles qui s’habillent Au Coton, mes deux chandails Vuarnet trop chers, la Laurentide de mon père, les multiples macarons de U2 sur mon manteau en jeans délavé et la revue mensuel Fan Club; mon univers était simple (simpliste?), la vie pas compliquée et la musique tout aussi frugale (mais efficace). En effet, que ce soit avec Voïvod, The Cure ou Duran Duran, ma jeune adolescence inspirée de Degrassi High (mais en région) s’est déroulée plutôt paisiblement, avec ses poussés d’hormones, ses apparitions de poils et ma naïveté face à la vie adulte qui approchait.

Pourquoi cette soudaine nostalgie? Simplement parce que je me suis précipité sur le premier « long jeu » du groupe The Lost Fingers, une des révélations du dernier Festival de Jazz de Montréal. J’ai réalisé que je n’étais pas le seul perdu dans les années quatre vingt, sachant qu’il y avait foules à tout les jours au chapiteau « Heineken » pour ouïr quelques grands et parfois kétaine tubes de la génération New Wave. Le FDJM a même chambardé la programmation de son spectacle de fermeture pour y inclure (à la dernière minute) ces troubadours inspirés d’un autre temps. Or, ce que les « Lost Fingers » nous proposent n’est pas kitsch. Ces émules de Django Reinardt revisitent avec brio (et avec instruments à cordes) quelques classiques comme « Pump Up the Jam », « Tainted Love » et même Céline Dion avec son fameux « Incognito ». Nous sommes à des années lumière de toutes revues musicales peu originale, trop souvent offertes par le casino de Montréal ou dans les autres salles du même type ailleurs au Québec. Leur musique est dépouillée de tout artifice, sympathique mais non dénuée de complexités harmoniques. C’est en effet en entendant leur remodelage de « Billie Jean », de feu Michael Jackson (quoi? Oups… on me dit à l’oreille qu’il n’est pas mort…) que j’ai compris que ces talentueux musiciens ont mis tout le sérieux nécessaire afin de ne pas tomber dans les clichés. Ça fait plaisir à entendre et l’exercice est très satisfaisant pour mes oreilles de gars qui, il n'y a pas si longtemps, à « switché » son Bérurier Noir pour du Feist ou Cinématic Orchestra… Je m’assagi, je suppose.

C’est ainsi que le petit voyage dans le temps, à saveur gypsy, nous transporte de Kool & The Gang à Bon Jovi, en passant par AC/DC et Samantha Fox (!?) avec virtuosité digne des plus beaux paysages Tziganes. Malgré un périple un peu inégal accentué par une reprise peu convaincante de « Staight Up » de Paula Abdul, l’ensemble fait beaucoup sourire et arrive au bon moment dans cet été qui a peur de s’installer. Cet album me fait penser un peu au merveilleux « Strummin' With The Devil: Bluegrass Tribute to Van Halen » sorti en 2006 et qui se prend très bien avec un Whisky de votre choix. La recette fonctionne encore ici.

Voici enfin l’opportunité de se sortir du marasme radiophonique qui afflige nos stations à ondes hertziennes commerciale. Cependant, « Lost in the 80s » n’aura probablement pas d’intérêt pour la génération plus jeunes (disons 20 ans en descendant) ou pour les plus de 60 ans. À moins que, tout comme moi, vous ayez bombardé continuellement les oreilles de vos pairs avec vos musiques sur cassette au Dioxyde de Chrome et que ma clique fredonne encore avec plaisir (et parfois avec gêne). Seulement dans ce cas, les personnes d’une autre époque pourront apprécier les subtilités de ces interprétations. Au pire, ils peuvent se rabattre sur la qualité technique du groupe et son excellent sens du rythme. De toute façon, en écoutant les « Lost Fingers », je me disais que rien ne sert de bouder son plaisir.

Ainsi, je vais courir les voir en fin de semaine et fredonner ces chansonnettes en cœur avec les autres nostalgiques de ces années roses bonbon; comme si nous étions une troupe de « tripeux » de Jeunesse D’aujourd’hui qui se retrouve en Floride pour entendre Pierre Lalonde. En serions-nous déjà rendus là? Je ne peux pas croire que bientôt, il y aura des émissions spécialement conçue pour assouvir l'inévitable soif de nostalgie de notre génération, comme elle existe en trop grande quantité pour les baby boomers. Cette pensée me donne des frissons dans le dos… (Oh! on me dit à l’oreille que le canal Musimax à déjà commencé à en diffuser…) Vite, ma dose de « Lost Fingers » pour me ressaisir un peu.