(Moins est plus...)
Prologue : La prochaine saison politique s’annonce houleuse et intense, autant au fédéral qu’au provincial. Les carnétistes commencent déjà à se préparer à l’automne chaud. J’y prendrai part, comme à mon habitude; probablement un peu plus sous la lorgnette régionale afin de diversifier les propos de la blogosphère politique, qui tournent souvent autour d’opinions ou conclusions similaires. Or, je me suis dit qu’il serait bien de prendre un peu de recul en commettant un billet totalement à l’opposé de la politique. Voilà donc un aparté sur la musique électronique.
De quoi parle-t-on au juste?
Dans le but de restreindre un peu la sphère extrêmement large de la musique électronique, je m’en tiendrai seulement à l’univers de la musique minimaliste ou dite « de bruit » créée par un équipement électronique où l’humain en est l’architecte plus que le créateur. L’idée de ce billet m’est venue lors d’une récente discussion avec un autre blogueur. Voici ce qu’a dit mon interlocuteur et qui m’a inspiré le texte qui va suivre :
De quoi parle-t-on au juste?
Dans le but de restreindre un peu la sphère extrêmement large de la musique électronique, je m’en tiendrai seulement à l’univers de la musique minimaliste ou dite « de bruit » créée par un équipement électronique où l’humain en est l’architecte plus que le créateur. L’idée de ce billet m’est venue lors d’une récente discussion avec un autre blogueur. Voici ce qu’a dit mon interlocuteur et qui m’a inspiré le texte qui va suivre :
« En ce qui concerne Mutek et des shows de “variation sur une même note”, personnellement, je crois que c’est partie prenante du phénomène de contre-culture. Ou de sadomasochisme. J’ai déjà fait moi-même partie des trippeux tous azimuts de musique Électro, mais quand la musique vient me remuer désagréablement les entrailles et me fait vibrer à des endroits qui ne me sont pas agréables, je ne me force pas à aimer ça parce que c’est autre chose que de la pop.
La musique est comme un médicament pour la toux. Les pop-lovers aiment le triaminic au bon goût de cerise, les “underground-lovers” prennent du Buckley et font de jolis rictus en disant que c’est bien meilleur.»
Pourquoi ce dédain ?
La réponse peut se trouver à plusieurs niveaux. Mon collègue blogueur cité plus haut résume la pensée populaire face à cette musique. Voici donc une tentative d’explication sur les raisons des haut-le-cœur probables face à cette forme d’art :
*La musique électronique minimaliste (comme dans l’art abstrait) force l’auditeur à se positionner ailleurs que dans la zone de confort cérébrale excitée par l’art.
*Tout ce qui sort des sentiers battus est plus difficile à assimiler que ce qui à déjà été analysé ou perfectionné depuis plusieurs années par des musicologues, artistes ou experts.
*Au premier abord, sans pour autant utiliser le mot sadomasochisme, il faut être enclin à subir un certain inconfort parce que l’inconnu inquiète et ne s’apparente souvent qu’à bien peu de chose sur lesquels nous pouvons nous référencer ; tout au plus certaines images connues peuvent survenir pour forcer une analogie. C’est un mécanisme de défense normal du cerveau. Pour faire une corrélation simple, la première loi de la nature nous dicte qu’il est normal d’hésiter lors d’une dépense d’énergie aussi simple que pour percevoir les petites odeurs de fruits cachées à travers un amalgame souvent amer et acide comme celui du vin ou de la bière; d’où la popularité des breuvages sans corps ou sans goût comme « POORS LIGHT ». Le réflexe général demande de rester au niveau du rafraichissement (1er niveau) et non de s’immiscer dans la découverte ou vers le développement des sens (2ieme niveau); ce qui demande un plus grand effort.
*Enfin, cette musique donne l’impression de rien apporter de valable à l’auditeur. De plus, il y a cette perception que parce que quelqu’un se sert de la technologie comme outil pour créer en fait de l’art illégitime ne faisant pas partie des méthodes classiques bien établies de créations (surtout si l’ordinateur fait le gros de l’ouvrage comme pour l’IDM).
Qu’est-ce qui pousse un humain bien constitué à aimer écouter des bruits ?
Aujourd’hui, tout est défini en frontières. Chaque chose doit être contrôlée, cartographiée, étiquetée et formatée selon une « normale ». Il y a, dans le monde populaire, un besoin immense de références rassurantes. Cette affirmation peut trouver une explication dans la théorie de Carl Friedrich Gauss et sa distribution Gaussienne. Il n’est pas farfelu de penser que le but de la musique électronique minimaliste est d’explorer ce qu’il y a au-delà du 3sigma et même plus loin. Cependant, l’infiniment grand ou l’infiniment petit tend à se rapprocher de l’abstrait, malgré une grande volonté scientifique de tout expliquer. C’est comme si notre propre attitudes face à la vie effrénée ne pouvait dépasser les limites du tangible, de peur de se tromper ou de se casser la gueule.
Or, l’artiste électronique rend organique ce qui est intangible et souvent placide ou morne. Il met en perspective les perceptions floues. Cet art donne accès simultanément aux microcosmes et macrocosmes; tout dépend de « l’angle de vision » de l’auditeur. Il n’est pas question ici de briser les barrières de l’originalité ou de remuer quelques souvenirs tendres avec des chansons commerciales ou rose-bonbon. En effet, la musique électronique, dite de bruit, est dirigée vers une autre partie du cerveau, pour ne pas dire vers d’autres organes du corps. Ceci en fait donc une expérience sensorielle aux multiples effets qui sollicitent corps et âme. Pour certains, cette musique soulève un émerveillement envers la machine, car nul être humain ne peut produire un tel assemblage ou une modulation de la sorte. De plus, ces élégies peuvent s’apparenter à un mantra et ainsi dégager un effet de relaxation et de bien-être. Enfin, le défi est de forcer un lien entre l’effet que procurent les musiques qui touchent le cœur (souvent la musique structurée) et la réflexion que demandent les musiques progressives et de virtuoses.
Comment l’apprécier alors ?
La première recommandation serait de s’ouvrir l’esprit et de ne pas tenter aucun rapprochement avec le réel. Il faut comprendre que ce genre de musique veille à créer des atmosphères par une visualisation spatiale des sons. Ensuite, il faut avoir quelques suggestions. Ce que je m’empresse de vous faire. Sachez que ce monde est extrêmement vaste (et sous-terrain). Ce que je vous propose plus bas ne fait qu’effleurer la surface de la musique minimaliste.
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Mon incursion dans le monde de la musique minimaliste s’est faite lors de mon premier visionnement du film 2001, Odyssée de l’espace. Nous pouvons retrouver dans la trame sonore du film des extraits du compositeur Gyorgy Ligeti. Sans pour autant être technologique, l’essence même de l’harmonie tonal de ses œuvres sont à mon sens à la base de la création minimaliste électronique. Ligeti à su créer des atmosphères en jouant avec les textures et les déphasages sonores qui frôlent la diatonique. Ce compositeur est donc une bonne porte d’entrée dans l’univers de la musique concrète. Je suggère particulièrement ses œuvres chorale (ou musique pour assemblage de voix…)
Vient ensuite un pionnier comme Pierre Henry, que j’ai découvert il y a environ 15 ans avec l’album « Messe pour un temps présent ». Au-delà du grand succès « Psyche Rock », on y retrouve des petits bijoux de musique minimaliste et concrète créées avec des instruments électroniques analogiques (et archaïques). C’est un « must » pour ceux qui veulent s’initier à la musique électronique d’un autre temps, soit avant même ma naissance.
Plus près de nous, j’ai découvert durant le festival MUTEK 2008 un technicien Islandais nommé Ben Frost (en première partie de Christian Fennesz). Sa musique rassemble les sons de guitares modulées, de « tape deck » avec cassettes recyclées et divers instruments électronique connecté à un ordinateur portable. Son dernier opus est le summum du crescendo minimaliste. Avis aux claustrophobes, vous aurez parfois la sensation que le monde se rapetisse autour de vous. Hallucinant.
Je ne peux passer sous silence le majestueux Delirium Cordia de Mike Patton et ses acolytes de Fantômas. Un pur régal organique et apocalyptique de 45 minutes (les 27 minutes restantes sont sans grands intérêts parce que ce n’est que le bruit que ferait une aiguille sur un disque au bout du sillon…)
Enfin, plus près de nous, au Québec, il y a un artiste que je découvre à peine mais qui fera sûrement gronder mes haut-parleurs encore longtemps, Hugo Girard alias Vromb. En effet, ses travaux « Jeux de Terre » et « Mémoires Paramoléculaires » vous feront comprendre, à défaut d’apprécier, ce qu’est la (bonne) musique minimaliste et « bruitale ».
Bonne découverte (pour ceux qui se sont rendu jusqu'ici...)!